La Dre Haneesha Mohan est boursière postdoctorale de recherche au Réseau universitaire de santé et a reçu des subventions de recherche postdoctorale des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), ainsi qu’une bourse de recherche postdoctorale du Réseau canadien pour les essais VIH des IRSC (le Réseau). Elle est supervisée par la Dre Lena Serghides. Haneesha a obtenu son baccalauréat en sciences de la vie avec mineure en géographie de la santé à l’Université McMaster (avec distinction), elle s’est ensuite rendue jusqu’au doctorat en neuroendocrinologie intégrative à l’Université de la Saskatchewan.
Le VIH a déjà été une maladie mortelle. Mais grâce aux découvertes scientifiques et pharmacologiques, il s’agit désormais d’une maladie chronique gérable. Même si les effets bienfaisants des antirétroviraux (ARV) pour le VIH sont indéniables, ils peuvent comporter des effets indésirables. Par exemple, certains ARV ont été associés à un dérèglement du métabolisme du glucose. J’ai toujours voulu déterminer de quelle façon les nouvelles approches pharmacologiques dans le domaine du VIH affectent le métabolisme énergétique de tout l’organisme.
Le dolutégravir (DTG), qui fait partie des schémas de première intention recommandés par l’Organisation mondiale de la santé, a été associé à l’hyperglycémie et à des hausses des aminotransférases sériques. Le DTG a aussi été associé à un risque d’anomalies du tube neural (ATN). On ignore de quelle façon le DTG provoque de telles perturbations métaboliques et complications de la grossesse.
Pourquoi cette recherche?
Le DTG est métabolisé par le foie, en grande partie par glucuronidation suivie d’une élimination urinaire. Cela m’a intriguée et j’ai choisi d’utiliser mes connaissances sur le métabolisme du foie et des îlots de Langerhans pour étudier les effets du DTG sur le glucose et le métabolisme de l’énergie. J’ai voulu acquérir une compréhension mécaniste et évaluer les implications à long terme des observations épidémiologiques relatives à l’hyperglycémie associée aux ARV chez les personnes séropositives. À mesure que les graisses abdominales, le poids et l’indice de masse corporelle (IMC) augmentent durant le traitement du VIH, le risque de diabète incident augmente aussi, et j’ai voulu utiliser mon expérience en biologie moléculaire et cellulaire afin de comprendre les maladies métaboliques et les anomalies congénitales causées par les ARV.
Les ARV peuvent provoquer des changements hormonaux susceptibles d’affecter le métabolisme fœtal et maternel. Ils préviennent très efficacement la transmission du VIH de la mère à l’enfant, mais leurs effets indésirables, qui incluent des perturbations métaboliques et un impact négatif sur les premiers stades du développement fœtal, restent préoccupants. De nombreux ARV ont été associés à la lipoatrophie et à un déclenchement précoce du diabète, mais on manque de données à long terme sur les conséquences métaboliques des schémas plus récents. Les effets indésirables des ARV incluent l’hyperglycémie, qui en altérant l’homéostasie métabolique, peut être un facteur prédisposant pour les ATN.
Une étude d’observation en cours, subventionnée par les NIH au Botswana, a fait état d’une incidence plus grande des ATN chez les femmes séropositives sous DTG à partir de la conception. Ces observations rappellent l’urgence d’améliorer notre compréhension de la physiopathologie liée à l’exposition au DTG durant la grossesse et aux complications métaboliques connexes. Il faudra par contre approfondir la recherche pour analyser les effets du DTG, notamment la durée du traitement, le moment de l’exposition au médicament et le statut nutritionnel de la mère. Ma curiosité m’a amenée à me joindre au laboratoire de la Dre Serghides, où je pourrai explorer ce champ d’études et mesurer les effets des ARV sur le développement fœtal, la santé maternelle et le métabolisme du glucose.
Que cela signifie-il à l’échelle globale?
Même si le fardeau associé aux complications de la grossesse est plus lourd en zone défavorisée, en partie en raison du sous-financement des soins de santé, les complications de la grossesse sont en hausse partout dans le monde, ce qui en fait un réel problème de santé mondiale. Le manque actuel d’outils diagnostiques pour prédire les grossesses à risque et l’absence de stratégies d’intervention thérapeutique résultent de notre piètre compréhension de la physiopathologie à l’origine des complications de la grossesse. De plus, nous attendons impatiemment des études d’observation qui analyseront l’impact du diabète et du diabète de grossesse chez les personnes traitées pour le VIH.
À l’aide d’un modèle de souris gravide, j’ai voulu comprendre les mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent l’issue négative de la grossesse associée aux ARV, surtout en ce qui concerne les altérations métaboliques. Les résultats nous permettront de mieux comprendre les effets toxicologiques du DTG sur le développement fœtal. Je m’intéresse vivement aussi à l’impact du statut nutritionnel et de la santé métabolique des mères sur le développement fœtal et l’issue de la grossesse dans le contexte d’un traitement par ARV.
Bien sûr, les souris sont très différentes des humains, mais les modèles murins offrent entre autres avantages un développement fœtal beaucoup plus rapide, et ils permettent d’éviter toutes les contraintes méthodologiques associées aux études sur l’être humain.
À quoi ressemble l’avenir de cette recherche?
À l’aide d’un modèle animal, cette étude fournira des données probantes très attendues au sujet du risque potentiel posé par le DTG en ce qui concerne le métabolisme du glucose, les ANT et d’autres anomalies congénitales. Nos découvertes viendront parfaire nos connaissances et notre compréhension de la pathobiologie des ANT et des anomalies métaboliques associées au DTG. Elles aideront à valider et à interpréter les observations épidémiologiques et à orienter les prochaines études cliniques.
Pour ce qui est du potentiel translationnel de nos travaux, ils aideront à développer des épreuves diagnostiques prénatales afin de prédire le risque d’issue négative de la grossesse. Ainsi, les femmes qui présentent une grossesse à risque pourront rapidement être identifiées et traitées au moyen d’interventions médicales complémentaires dans le but d’assurer la meilleure issue possible. Il reste également une importante question, c’est-à-dire, déterminer quel est le meilleur schéma d’ARV à utiliser en cours de grossesse pour obtenir une issue optimale, tant pour la mère que pour le bébé.