Saviez-vous qu’à l’échelle mondiale, les femmes représentent plus de 50 % des personnes vivant avec le VIH? Pourtant, beaucoup de services spécifiques au VIH ne sont pas conçus pour elles ou ne leur sont pas accessibles.

En matière de santé, les inégalités et les besoins non résolus auxquelles les femmes vivant avec le VIH font face constituent la raison d’être de l’essai CTN 262 : CHIWOS (Canadian HIV Women’s Sexual & Reproductive Health Cohort Study). Il s’agit de la plus volumineuse étude de cohorte basée dans la communauté à regrouper des femmes vivant avec le VIH au Canada (y compris des femmes cis, trans, bispirituelles et non binaires). L’étude a voulu répondre à des questions fondamentales : comment les femmes perçoivent-elles leurs soins? Quels sont leurs besoins? Quelles sont leurs priorités?

En répondant à ces questions, l’équipe de l’étude CHIWOS a pu concevoir deux trousses à outils pour offrir des soins holistiques aux femmes vivant avec le VIH; les deux trousses ont été lancées le 8 juillet 2020.

Nous avons parlé à l’investigatrice principale de l’essai CHIWOS, la Dre Mona Loutfy, ainsi qu’à la coordonnatrice de la recherche, Mina Kazemi, pour en savoir plus.

À quelles inégalités les femmes sont-elles confrontées?

Les femmes vivant avec le VIH sont confrontées à plusieurs difficultés qui relèvent de la stigmatisation et de la discrimination intersectionelles, comme le sexisme, la transphobie et le racisme. Des inégalités peuvent également être perçues dans la façon d’offrir les soins pour le VIH.

« Les soins sont très institutionnalisés », explique la Dre Loutfy. « Par exemple, les patientes doivent se présenter à leurs rendez-vous à une heure bien précise, faute de quoi, elles ne sont pas vues. Un tel mode de fonctionnement ne convient peut-être pas à leur style de vie ou n’est peut-être pas culturellement sécuritaire ». Les femmes ont des priorités et des rôles concurrents et il leur est difficile de se présenter à des rendez-vous brefs, dans des délais serrés. En outre, pour accéder aux soins et aux médicaments nécessaires, et indépendamment de leur niveau d’instruction, bien des femmes doivent renoncer au marché de l’emploi et recevoir des prestations d’invalidité, ou alors vivre dans la pauvreté.

Il est important de se rappeler que les femmes vivant avec le virus n’ont pas besoin que de soins pour le VIH. Elles ont aussi besoin de soins en matière de sexualité et de santé reproductive, de soins en santé mentale ou de soutien par des paires-aidantes. Mina explique : « nous constatons que les soins de santé pour les femmes ne sont pas optimisés. Il y beaucoup de lacunes à combler en matière de soins de santé pour les femmes, par exemple, tests de PAP, planification des naissances et discussions sur la contraception ».

La Dre Loutfy poursuit : « beaucoup de services et de ressources pour le VIH au Canada ont été mis en place par des hommes gais en raison de la situation qui régnait au début de l’épidémie; beaucoup d’organisations communautaires ne sont donc pas destinées à venir en aide aux femmes et il s’agit
d’une lacune très importante ».

L’essai CHIWOS a également conclu que pour fournir aux femmes des soins adéquats, il faut tenir compte de la violence qu’elles subissent. « Les femmes de l’étude CHIWOS ont connu la violence à des niveaux élevés – 13 fois plus que les femmes de la population générale », explique Mina. « Lorsqu’il est question de la sexualité des femmes, il faut reconnaître que leur milieu social, la stigmatisation, la violence et la pauvreté ont un impact. Notre modèle de soins a été conçu pour répondre aux besoins et aux priorités particulières des femmes. »

Comment l’équipe CHIWOS peut-elle aider?

Pour souligner le 10e anniversaire de la cohorte CHIWOS, l’équipe a compilé tous les articles quantitatifs publiés à ce jour. Chacun des 59 articles fait référence aux expériences et aux besoins des femmes vivant avec le VIH, et ensemble, ils ont mené à la création du modèle de soins pour le VIH centré sur la santé des femmes (SCSF), qui englobe tout.

Le modèle est présenté comme une maison qui symbolise la sécurité et la stabilité – dimensions essentielles dans la prestation des soins. Les soins reposent sur la prise en compte des antécédents de traumatismes et de violence subis par les femmes et sur la reconnaissance des taux alarmants de violence, de traumatismes et d’oppression interconnectées* observés chez les femmes vivant avec le VIH. Les soins centrés sur la personne, avec une attention portée aux déterminants sociaux de la santé et à la famille, forment le rez-de-chaussée. Pour beaucoup de femmes, l’attention portée à la famille est essentielle à leur propre santé, autant qu’un toit, un revenu suffisant et d’autres déterminants sociaux de la santé. À l’étage, se trouvent trois pièces : les soins adéquats pour le VIH intégrés à la santé féminine (y compris santé sexuelle et reproductive et droits [SSRD]) et les soins en santé mentale et toxicomanie. Ce volet est important parce que de nombreuses femmes vivant avec le VIH ne consultent aucun autre professionnel de la santé que leur spécialiste du VIH. Le toit est constitué de l’aide par des paires-aidantes, du leadership et du développement des capacités, qui font partie intégrante du modèle. La femme elle-même est l’élément primordial du modèle et rappelle le principe de prise de décision partagée pour les soins centrés sur la personne. La femme bénéficie souvent du soutien de paires-aidantes pour entrer dans la maison et ensemble, elles sont porteuses de la lumière qui symbolise l’entraide. Fait à noter, le modèle s’adresse à toutes les femmes, dans toute leur diversité. En conclusion, les femmes seront à différents âges et stades de leur vie, de sorte que tous les éléments des soins pour le VIH centrés sur les femmes doivent être offerts pendant la vie entière.
*Les oppressions interconnectées font référence aux inégalités inhérentes aux systèmes d’organisation sociale et institutionnelle en place, qui excluent certains individus pour des raisons ayant trait à leurs différentes identités sociales, notamment : identité de genre, race, ethnicité, classe, sexualité et statut VIH. Ces identités sont également indissociables de l’histoire, y compris de la colonisation et de l’esclavage, et affectent de nombreux aspects de la vie, tels que l’état de santé et le bien-être.

« À partir de ce modèle de soins, nous avons conçu deux trousses à outils », rappelle la Dre Loutfy. « L’un s’adresse aux professionnels de la santé – médecins, infirmières, pharmaciens, travailleuses sociales, travailleurs communautaires et autres – et explique comment fournir des soins pour le VIH centrés sur les femmes. L’autre s’adresse aux femmes elles-mêmes; on y encourage l’autogestion et l’autodéfense des droits en matière de santé afin qu’elles reçoivent les soins désirés et requis, et on leur propose d’autres ressources susceptibles de les aider tout au long de leur vie. »

 

La démarche entière s’est déroulée selon une approche collaborative et communautaire. L’étude CHIWOS a travaillé avec un groupe composé de médecins, chercheurs, travailleurs communautaires et
femmes vivant avec le VIH de partout au pays, puis a sollicité l’appui du Centre for Effective Practice (CEP) de Toronto, qui regroupe des experts en préparation de trousses à outils.

« Sur une période de dix-huit mois, après une analyse fondée sur des données probantes, le CEP nous
a guidés dans la conception des trousses à outils, l’application d’une méthodologie centrée sur les utilisatrices et l’intégration des connaissances », explique Mina. « Nous avons passé en revue et évalué des centaines de lignes directrices et d’articles pour extraire des recommandations, puis nous avons consulté des experts à plusieurs reprises pour recueillir leurs commentaires, nous avons mené des groupes de discussion et procédé à des revues indépendantes par des utilisatrices. Ces trousses à outils sont réellement fondées sur des données probantes. »

Que peut-on accomplir avec les trousses à outils?

L’un des principaux objectifs du modèle de soins centré sur la santé des femmes (SCSF) et des trousses à outils est de promouvoir des soins complets.

« Nous voulons promouvoir un système de soins centré sur la personne, qui tiennent compte des antécédents de traumatismes et qui sont axés sur le VIH et la santé physique et mentale des femmes, tout en favorisant les liens et l’entraide », affirme la Dre Loutfy. « Nous souhaitons sensibiliser les médecins au fait que c’est le type de soins que désirent et requièrent les femmes. »

« Nous voulons que les femmes sachent qu’elles ont des droits, qu’elles ont des choix, et qu’elles ne sont pas seules », rappelle Mina. « Ces trousses à outils ont été faites avec amour, en partenariat avec des femmes vivant avec le VIH et elles aideront les femmes à obtenir les soins auxquels elles ont droit. »

Chaque membre de l’équipe CHIWOS travaille à défendre le droit des femmes à des soins de santé adéquats. Pour chaque présentation et chaque projet, l’équipe travaille étroitement avec des femmes vivant avec le VIH et s’assure de tenir compte de leurs points de vue.

En terminant, ces trousses à outils aideront les cliniciens et les femmes vivant avec le VIH à prendre des décisions éclairées qui fonctionnent pour elles.

Restez à l’écoute

À l’occasion du lancement des deux trousses à outils, les équipes de l’étude CHIWOS et du SCSF tiendront deux webinaires à l’intention des médecins, des organisateurs communautaires et des femmes vivant avec le VIH le 24 septembre et le 1er octobre 2020.

Plus de détails à venir.

Vous pouvez vous tenir au courant en vous joignant à CHIWOS en ligne :

www.chiwos.ca        https://www.facebook.com/CHIWOS      @CHIWOSresearch

Écrit par :

Hannah Branch

Ms. Hannah Branch joined the communications department in the fall of 2019. She holds a degree in Human Biology from the University of Birmingham and has over eight years’ experience working in science and health. Starting her career as commissioning editor of two medical journals, Hannah has since worked in other medical communications and PR roles, developing training materials and campaigns across a variety of health care areas.