Saviez-vous que de 90 à 95 % des personnes qui contractent la COVID-19 ne se présentent ni à l’hôpital ni dans une clinique? Les patients se sont fait dire de rester à la maison pour réduire la propagation du virus, surtout les travailleurs de la santé de première ligne. Mais sans accès direct aux professionnels de la santé, de nombreux patients sont ainsi privés d’une occasion de poser leurs questions ou de faire évaluer leurs symptômes.
Le Dr Bertrand Lebouché, investigateur du Réseau, a fait équipe avec les créateurs de l’appli santé OPAL afin d’adapter cette appli aux patients atteints de COVID-19 qui se rétablissent à la maison. « En grande partie, la recherche sur la COVID-19 s’est intéressée aux 5 % de patients hospitalisés », affirme le Dr Lebouché. « Nous voulions réellement faire quelque chose pour les 95 % restants. »
Grâce à une bourse du programme MI4 de l’Université McGill (Initiative interdisciplinaire en infection et immunité pour la COVID-19), l’équipe commencera par réaliser une étude de faisabilité auprès de 50 patients atteints de COVID-19 au Centre universitaire de santé McGill. Par le biais de l’appli OPAL, les patients feront le suivi de leurs symptômes et mesureront divers indicateurs de santé à domicile pendant 14 jours, y compris tension artérielle, fréquence cardiaque, température et saturation en oxygène. Les patients auront aussi la possibilité de clavarder directement avec des médecins et des infirmières par le biais de l’appli et ils seront informés de toute anomalie ou modification de leurs résultats qui les obligeraient à se présenter à l’hôpital.
OPAL : Une histoire de soins centrés sur les patients
L’idée d’OPAL est née en 2014, lorsqu’une professeure d’informatique de McGill, Laurie Hendren, a reçu un diagnostic de cancer du sein. Ayant fait l’expérience bien concrète des soins, la professeure Hendren a constaté par elle-même qu’il fallait créer un carrefour pour le suivi médical personnel, la planification des rendez-vous et l’accès à des renseignements médicaux. Elle a collaboré avec le Dr Jamil Asselah, son oncologue, et le Dr John Kildea, physicien médical, pour concevoir l’appli/portail OPAL à l’intention des patients.
Cette appli aide les patients à gérer leurs rendez-vous, à organiser leurs informations médicales, à se renseigner sur leurs maladies et à prendre une part active à leurs soins. La professeure Hendren a su mettre son expérience personnelle à contribution pour développer une appli pour, et par, les patients, et elle a reçu bien des accolades pour son travail. La professeure Hendren est malheureusement décédée en 2019, mais l’appli continue d’être gérée et développée par ses collaborateurs du Groupe informatique de santé Opal du Institut de recherche du centre universitaire de santé McGill.
Les leçons du VIH
Le Dr Lebouché, qui est prof de medecine et travaille également comme scientifique avec le Programme les maladies infectieuses et de l’immunité en santé mondiale à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, a d’abord vu la possibilité d’adapter OPAL à son principal champ d’intérêt : les soins pour le VIH. Fort de l’adoption du principe de soins centrés sur le patient pour le traitement du VIH, le Dr Lebouché travaillait à adapter l’appli OPAL pour le VIH lorsque la pandémie de COVID-19 a éclaté. « En tant que médecin spécialiste du VIH, je peux réellement apporter une contribution valable à la prise en charge de la COVID-19 », affirme-t-il. Il craint que trop d’études sur la COVID-19 fassent fi des besoins des patients, une leçon qu’il a apprise en étudiant le VIH au fil des ans, et en défendant âprement les droits des patients touchés.
Le Dr Lebouché estime qu’il y a d’autres leçons à tirer de l’expérience du VIH pour les chercheurs qui s’intéressent à la COVID-19, notamment l’impact de la stigmatisation et de l’isolement. « J’ai été choqué de voir comment les gens se sentent isolés et stigmatisés en raison de la COVID-19. Et quand ils se font dire de rester à la maison, c’est comme s’il n’y avait pas de place pour eux dans le système de santé », estime-t-il.
Le Dr Lebouché espère que l’appli OPAL pour la COVID-19 rétablira des ponts virtuels entre les patients et les professionnels de la santé et qu’elle orientera les patients vers des sources d’information dignes de foi, pour développer leur autonomie et leur littératie médicales.
Protéger les travailleurs de première ligne et la vie privée des patients
Un autre objectif de l’appli OPAL pour la COVID-19 est de protéger les travailleurs de la santé contre la maladie. À l’heure actuelle, plus de 50 % des cas de COVID-19 chez les jeunes ont affecté des travailleurs de la santé de première ligne. Lorsqu’un plus grand nombre de patients peut être traité à domicile à l’aide de plateformes virtuelles, les travailleurs de la santé qui les soignent encourent moins de risques. En outre, grâce à l’appli, une infirmière peut suivre de 20 à 30 patients par jour, soit une nette augmentation par rapport aux soins hospitaliers. Utilisés à bon escient, les soins prodigués avec l’appli peuvent être plus sécuritaires et plus efficients au plan des ressources.
Le Dr Lebouché espère aussi que l’appli OPAL rendra au public sa confiance envers la technologie médicale. « La technologie devrait d’abord et avant tout être utilisée pour aider les patients, et non simplement pour les suivre », explique-t-il. Cette approche lui a été inspirée par son collègue, John Kildea; il s’agit du concept de « don de données », par le biais duquel les patients acceptent que leurs données soient partagées à des fins scientifiques, avec la possibilité d’exclure certains renseignements personnels à leur choix. Les versions antérieures d’OPAL ont montré que lorsqu’ils ont le choix, les patients optent souvent pour partager plus de données que prévu par les chercheurs. Et les données amassées les aident à développer des outils toujours plus efficaces; c’est exactement ce qu’ils espèrent pouvoir faire à la fin de cette étude de faisabilité initiale OPAL.
Le dernier obstacle à une utilisation à grande échelle de l’appli OPAL est la distribution de l’équipement nécessaire à la mesure des paramètres, comme la température ou la saturation en oxygène chez les patients. À la fin de l’étude, le Dr Lebouché et ses collaborateurs sauront mieux quels paramètres permettent de prédire adéquatement une poussée des symptômes ou de la morbidité, et lesquels ne sont pas utiles à cet égard. Cela leur permettra d’éliminer des futures versions de l’appli les paramètres non pertinents, tout en améliorant la précision des outils de prédiction de la COVID-19.
À mesure que l’appli OPAL continue d’élargir sa portée et de passer de l’oncologie à la COVID-19, puis au VIH, elle poursuit sur sa lancée et met l’accent sur les soins centrés sur les patients. « Les patients apportent toujours des détails très intéressants, et à partir de là, nous pouvons faire des améliorations », explique le Dr Lebouché, qui utilisera les commentaires à propos de cette version d’OPAL pour mieux adapter l’appli au contexte du VIH. Peu importe ces versions, le Dr Lebouché continue de placer les données médicales exactement là où elles devraient se trouver : entre les mains des patients.
Si vous êtes un résident de Montréal et que vous souhaitez participer à l’étude OPAL, communiquez avec le Dr Lebouché à l’adresse bertrand.lebouche@mcgill.ca