Depuis le secondaire, je suis fasciné par le système immunitaire et la façon dont notre corps combat l’infection. En me familiarisant avec le phénomène durant mes études universitaires, je me suis ouvert les yeux sur le fait que la pandémie de VIH est encore présente partout dans le monde. Sachant que cette maladie demeure incurable encore à ce jour, j’ai voulu savoir précisément comment fonctionne ce virus.
J’ai donc entrepris des études de doctorat au cours desquelles j’ai analysé le mécanisme qu’utilisent les cellules dendritiques, un type de cellules spécialisées, pour détecter le VIH et induire la réaction immunitaire immédiate à son endroit. Je trouvais important d’explorer divers éléments de la physiopathologie de l’infection afin de découvrir des stratégies à moyen terme pour venir en aide aux personnes vivant avec le VIH. En ce sens, j’ai été privilégié de pouvoir me joindre à l’équipe du Dr Jean-Pierre Routy à Montréal.
Intestin et VIH
Nous savons depuis 15 ans maintenant que l’intestin jour un rôle important dans la physiopathologie du VIH et le développement du sida.
Muqueuse intestinale
L’avènement des traitements antirétroviraux (TAR), médicaments hautement efficaces et bien tolérés découverts au cours de la dernière décennie, a significativement fait diminuer la mortalité par sida. Par contre, comparativement aux personnes séronégatives, les personnes vivant avec le VIH demeurent exposées à un risque plus élevé à l’égard de certaines comorbidités. La recherche montre que des taux faibles d’inflammation chronique jouent un rôle de premier plan dans ces comorbidités.
Ici, la muqueuse intestinale occupe une place centrale. L’atteinte tissulaire qui accompagne les premières phases de l’infection ne se rétablit pas entièrement et des taux faibles de perméabilité intestinale s’observent, même chez les personnes vivant avec le VIH qui sont sous TAR depuis plus de 10 ans. Ces observations viennent étayer l’hypothèse selon laquelle une meilleure compréhension du rôle de la muqueuse intestinale dans la pathogenèse du VIH sera cruciale pour réduire l’inflammation chronique chez les personnes vivant avec le VIH qui sont sous TAR et prévenir les comorbidités non liées au VIH.
Microbiote intestinal
Les technologies et la compréhension globale de la physiologie ont formidablement progressé depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, nous réalisons entre autre que le microbiote intestinal, qui comprend la flore microbienne intestinale normale, joue un rôle prépondérant dans la physiologie. Nous commençons aussi à comprendre la façon dont les différents types de microbes contribuent, chacun à sa façon, à prévenir ou à aggraver plusieurs problèmes de santé, y compris l’inflammation induite par le VIH.
C’est pourquoi des essais cliniques ont été mis sur pied afin d’essayer de modifier la composition du microbiote intestinal et réduire l’inflammation chez les personnes vivant avec le VIH qui sont sous TAR.
Ma recherche sur l’intestin
Nous mettons sur pied des essais cliniques qui portent sur la muqueuse intestinale et sur le microbiote dans le but de réduire l’inflammation chez les personnes vivant avec le VIH qui sont sous TAR. Nous nous inspirons de travaux qui ont été réalisés sur des modèles animaux et qui ont porté sur d’autres problèmes de santé, comme l’obésité et le cancer.
Avec l’étude CTNPT 032 : camu-camu, nous voulons vérifier si un produit naturel appelé camu-camu peut modifier le microbiote intestinal et réduire l’inflammation chez les personnes vivant avec le VIH qui sont sous TAR. Avec l’étude CTNPT 038 : Gutsy, nous vérifierons si une transplantation de microbiote intestinal provenant d’un donneur en bonne santé, peut favoriser la réparation de la barrière intestinale et réduire l’inflammation chez les personnes vivant avec le VIH qui sont sous TAR.
Pour la suite
La communauté scientifique qui s’intéresse au VIH, les médecins, et les personnes vivant avec le VIH s’entendent pour dire que de nos jours, la prise en charge clinique du VIH repose principalement sur la prévention et le suivi des comorbidités, étant donné que la plupart des patients ont accès au TAR et y répondent bien.
Réduire l’inflammation chronique chez les sujets sous TAR pourrait prévenir les comorbidités non liées au VIH et améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. De plus, les taux faibles d’inflammation chez les sujets sous TAR ont été associés à une persistance du VIH dans les lymphocytes à longue vie, qui constituent des réservoirs de VIH. Diminuer l’inflammation chronique permettrait donc réduire la taille des réservoirs, une première étape vers l’éradication du VIH.
J’espère qu’éventuellement, nous disposerons d’une stratégie simple, sécuritaire et pratique pour prévenir à long terme les comorbidités non liées au sida chez les personnes vivant avec le VIH. Ce type de stratégies innovantes pourrait aussi se révéler utile aux personnes vivant avec des maladies similaires, puisque l’inflammation chronique participe à la pathogenèse d’autres problèmes de santé, comme le diabète, les maladies auto-immunes et le cancer.