Une nouvelle étude du Réseau explore les effets à long terme potentiels de l’exposition au VIH et aux antirétroviraux sur les millions d’enfants nés de mères vivant avec le VIH qui n’ont pas eux-mêmes contracté le virus.
La transmission verticale du virus (de la mère à l’enfant) était très préoccupante au début de la pandémie de VIH. Avant l’avènement d’interventions efficaces, environ 25 % des bébés nés de mères VIH-positives contractaient l’infection durant la grossesse ou l’accouchement, et 15 % de plus la contractaient au cours des 12 premiers mois par l’allaitement. L’arrivée des antirétroviraux (ARV) a significativement réduit la transmission verticale du VIH. Les mères qui prennent des ARV durant leur grossesse présentent un risque considérablement moindre de transmettre le virus, une découverte qui restera dans les annales du traitement par ARV. Même si le dépistage du VIH chez les mères et l’accès aux ARV restent d’importants obstacles, particulièrement dans les pays à revenu faible et moyen, l’augmentation des taux de diagnostic et de traitement chez les futures mamans au Canada a fait en sorte qu’au pays, très peu de bébés sont nés avec le VIH au cours des dix dernières années.
De nos jours, on estime à plus de 14 millions le nombre d’enfants de moins de 14 ans qui ont été exposés au VIH mais qui sont séronégatifs dans le monde. Des chercheurs suivent ces enfants à mesure qu’ils grandissent et se développent afin d’évaluer le risque de complications susceptibles de se manifester des suites de l’exposition au VIH et aux ARV in utero. Ces enfants demeurent exposés à un risque plus grand de retards développementaux et ils sont plus susceptibles d’être nés prématurément et de présenter d’autres problèmes de santé, comme des infections et des hospitalisations, comparativement aux enfants qui n’ont été ni exposés au VIH ni infectés.
Étude KIND
Des chercheurs du Réseau, de Toronto et d’Ottawa, ont lancé l’étude KIND (Kids Imaging and Neurocognitive Development, CTN 315) pour analyser le neurodéveloppement des enfants exposés au VIH et aux ARV durant la grossesse et les comparer à des témoins (enfants ni exposés ni infectés) assortis, dans la collectivité. Sous la direction de la Dre Lena Serghides, investigatrice du Réseau, l’étude évaluera diverses habiletés cognitives, dont les facultés intellectuelles, le fonctionnement moteur, le rendement scolaire et le langage. On demandera aussi aux parents d’évaluer le comportement et le fonctionnement socio-émotionnel de leur enfant durant les deux années que doit durer l’étude.
Alors que des examens neurodéveloppementaux serviront à évaluer les aspects cognitifs, allant des habiletés intellectuelles à la lecture et aux mathématiques, l’IRM cérébrale évaluera d’éventuelles différences structurelles entre les enfants exposés au VIH mais séronégatifs, et les d’enfants ni exposés, ni infectés. Des analyses de spécimens biologiques seront aussi effectuées pour vérifier la présence de différences hormonales et génétiques.
« Dans cette étude, nous explorons la gamme entière des différences possibles entre les enfants nés de mères VIH-positives et de mères VIH-négatives », explique Jennifer Bowes, gestionnaire et coordonnatrice de la recherche pour l’étude KIND à la division d’infectiologie du Centre hospitalier de l’est de l’Ontario (CHEO) à Ottawa.
« Nous voulons vérifier si les enfants exposés au VIH mais séronégatifs présentent des retards par rapport à leurs compagnons. À partir des résultats d’études antérieures, nous nous intéressons particulièrement aux différences potentielles au plan du langage », résume la Dre Julia Young, chercheuse postdoctorale à l’Hôpital pour enfants malades (SickKids) de Toronto. « Cette étude est unique, poursuit-elle, parce que nous nous intéressons aux enfants de 6 à 12 ans. La majorité des études existantes ont porté sur les enfants de moins de cinq ans. » En incluant ces enfants plus âgés dans l’étude, les investigateurs seront en mesure de comparer leurs résultats à ceux d’études existantes ayant porté sur les nourrissons et les tout petits et ils vérifieront si un quelconque impact de l’exposition au VIH et aux ARV sur les enfants perdure durant leur croissance et leur développement.
Exposition au VIH et développement de l’enfant
L’étude KIND contribue à alimenter l’intérêt de la recherche sur le VIH pour la croissance des enfants. Étant donné que les ARV continuent de prolonger l’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH et de leurs enfants, les investigateurs ont commencé à analyser les effets à long terme des ARV. L’étude KIND est la première à se pencher sur l’impact de l’exposition aux ARV sur de multiples aspects du neurodéveloppement dans ce groupe d’âge et elle offrira aux investigateurs une meilleure compréhension des effets continus de l’exposition aux ARV durant une période cruciale du développement.
Les Drs Ari Bitnun et Mary Lou Smith, co-investigateurs de l’étude KIND, font le suivi clinique des enfants exposés au VIH mais séronégatifs au SickKids jusqu’à l’âge scolaire, et ils ont mené des études pour évaluer les différences neurodéveloppementales entre les enfants exposés et séronégatifs et les enfants ni exposés ni infectés à 3,5 et 5,5 ans. L’étude KIND représente une chance exceptionnelle de continuer de suivre cette cohorte d’enfants jusqu’au début de l’adolescence.
Le Dr Jason Brophy, un autre co-investigateur, a étudié certains paramètres chez les enfants exposés et séronégatifs en Ontario et il a observé une augmentation quoique non statistiquement significative des taux d’hospitalisations et d’autisme chez ces enfants, comparativement aux témoins appariés ni exposés ni infectés. Les Drs Brophy et Bitnun ont étudié les enfants exposés séronégatifs atteints d’autisme et constaté la présence de différences mitochondriales comparativement aux groupes témoins, ce qui pourrait être en lien avec l’exposition au VIH et aux ARV.
L’étude KIND met à contribution l’expertise de ces investigateurs et ouvre de nouvelles avenues importantes pour leurs recherches : « Dans cette étude, nous voulons voir si les différences développementales notées chez les jeunes enfants exposés aux ARV in utero s’accentuent ou non à mesure qu’ils grandissent, » résume la Dre Elizabeth Young.
Mise au point d’interventions ciblées
Les enfants participants subiront deux évaluations cognitives sur une période de deux ans pour évaluer les changements survenus au fil du temps. Après chaque évaluation, les familles bénéficieront d’un rapport sommaire des résultats des tests de leur enfant, et au besoin, de recommandations spécifiques pour les secteurs nécessitant un soutien à l’école et à la maison.
De plus, l’équipe de l’étude KIND recueillera des données sur les types spécifiques d’ARV administrés aux mères pendant leur grossesse. « Les ARV ont beaucoup changé depuis 12 ans, y compris les ARV utilisés pour traiter les femmes enceintes », rappelle le Dr Brophy. Les données recueillies sur les types d’ARV et le moment et la durée de leur administration durant la grossesse, pourraient montrer que certains schémas d’ARV sont plus sécuritaires que d’autres, et mener à des recommandations plus claires quant aux ARV à privilégier chez les femmes enceintes.
« Il est certainement possible de mettre au point de meilleures stratégies pour venir en aide aux enfants exposés mais séronégatifs, explique Mme Bowes, mais pour l’instant, nous savons encore bien peu de choses sur l’impact réel des ARV sur les enfants. Mieux comprendre les enjeux liés au neurodéveloppement des enfants pourrait aider ces derniers et leurs parents durant l’enfance et jusqu’au passage à l’âge adulte.»
L’équipe de l’étude KIND cherche activement des participants (enfants exposés au VIH et aux ARV in utero, et enfants non exposés). Les participants subiront deux IRM et deux examens cognitifs complets, et des rapports sur leur développement cognitif seront remis aux parents. Les visites prévues dans le cadre de l’étude auront lieu au SickKids à Toronto et au CHEO à Ottawa.
Si vous souhaitez participer à cette étude, veuillez communiquer avec Jennifer Bowes: Jennifer.Bowes@uhnresearch.ca, 647-636-9538