Au Canada, les hommes gais, bisexuels et autres ayant des relations sexuelles avec des hommes (HRSHgb) sont affectés de manière disproportionnée par le VIH. À peine 2 à 3 % de la population canadienne s’identifient comme HRSHgb, alors qu’ils représentent plus de la moitié de tous les cas de VIH nouveaux et existants. L’étude CTN 300 : Cohorte Engage vise à caractériser ce phénomène en documentant l’adoption réelle des stratégies de prévention actuelles contre le VIH et les ITSS, et à comprendre les besoins en matière de soins dans cette communauté.
La prophylaxie pré-exposition (PPrE) contre le VIH et le traitement antirétroviral (TAR) sont hautement efficaces pour la prévention de l’infection au VIH chez les HRSHgb VIH-négatifs. La PPrE agit pour prévenir le VIH chez les personnes VIH-négatives, tandis que le TAR permet de supprimer la charge virale chez les personnes vivant avec le VIH de manière à empêcher sa transmission. Toutefois, comme la PPrE n’a que récemment été approuvée au Canada (2016), il est important de comprendre ce qui pourrait nuire à son adoption par les HRSHgb.
Sous la direction du Dr Joseph Cox, l’équipe de l’étude Engage a récemment analysé l’utilisation de la PPrE chez les HRSHgb dans trois grandes villes canadiennes. Les résultats ont été publiés dans CMAJ OPEN.
« L’étude Engage a commencé lorsque l’équipe du Dr Trevor Hart a reçu une subvention des IRSC, par l’entremise de son programme Renforcer la recherche en vue d’améliorer la santé des garçons et des hommes. Notre but était de faire une étude transversale sur les HRSHgb à Montréal, Toronto et Vancouver, car aucune recherche épidémiologique biocomportementale de ce type n’avait été réalisée depuis 2009 », explique le Dr Cox. « Nous avions besoin de données récentes sur l’impact du VIH et des ITSS chez les HRSHgb afin de comprendre les facteurs qui facilitent ou freinent l’accès et l’utilisation des interventions préventives et thérapeutiques actuelles. »
En tout, 2 449 HRSHgb ont été recrutés pour l’étude. Parmi les 2 008 individus qui étaient VIH-négatifs ou ne connaissaient pas leur statut, 1 159 étaient candidats aux recommandations cliniques pour la PPrE. La presque totalité de ces hommes connaissait l’existence de la PPrE et la moitié estimait en avoir eu besoin à un moment ou à l’autre au cours des six mois précédents, toutefois seulement vingt pour cent y avaient effectivement eu recours.
« Nous avons demandé aux participants des trois villes de répondre à un questionnaire qui abordait différents aspects de la santé sexuelle, y compris une section sur la prévention et le traitement du VIH », rappelle Herak Apelian, coordonnateur de l’étude Engage à Montréal. « Le questionnaire en soi a été conçu à partir de plusieurs modèles et cadres publiés. La section sur l’accès aux services de santé, y compris l’accès à la PPrE, a été conçue à partir du cadre conceptuel proposé par Lévesque et coll. Ce modèle décrit l’accès aux soins sous l’angle de la capacité des individus à reconnaître leurs besoins en matière de santé et à trouver et recevoir lesdits services. »
Les répondants ont décrit plusieurs obstacles à l’utilisation de la PPrE. Certains n’aimaient pas l’idée des visites de suivi régulières pour la PPrE, d’autres ignoraient comment obtenir une ordonnance ou ne se croyaient pas suffisamment à risque à l’égard du VIH pour utiliser la PPrE. Parmi les autres obstacles, mentionnons l’absence d’assurance médicale et la difficulté d’accéder à un médecin de premier recours et de trouver un professionnel capable d’accepter leurs comportements sexuels et de leur prescrire la PPrE.
Ces observations mettent en lumière deux importantes pistes pour améliorer la situation : mieux renseigner la communauté au sujet de la PPrE et mieux former les médecins de premier recours à cet égard.
« Des campagnes de sensibilisation auprès du grand public et des programmes de pairs-aidants permettraient de renseigner les hommes sur le risque de VIH et les avantages potentiels de la PPrE, en plus de les motiver à l’utiliser » ajoute M. Apelian. « Simultanément, les professionnels de la santé devraient idéalement être formés sur la PPrE et l’accès aux soins, et s’assurer de garder leurs connaissances à jour par le biais de programmes de développement professionnel continu. »
« Collectivement, on note un intérêt pour l’optimisation de la prévention du VIH chez les HRSHgb, particulièrement si nous voulons atteindre l’objectif global d’éliminer le VIH comme menace à la santé publique d’ici 2030 », affirme le Dr Cox. « Des études comme Engage sont importantes parce qu’elles nous permettent de documenter et d’orienter les mesures préventives et thérapeutiques pour les personnes à risque, ou vivant avec le VIH, et d’améliorer ainsi les résultats sur la santé. »
—
L’étude de cohorte Engage est subventionnée par les IRSC jusqu’en 2023. L’équipe poursuivra cette importante recherche sur le paysage changeant du VIH et des ITSS chez les HRSHgb au Canada. Le Réseau maintient son appui à cette étude, CTN 300-2.