L’avènement du traitement antirétroviral d’association (TARa) a considérablement changé la vie des personnes aux prises avec le VIH. Or, malgré une espérance de vie augmentée, nous observons chez les personnes sous TARa une hausse des taux de complications non liées au sida, tel que maladies cardiovasculaires, osseuses et rénales. Selon de nombreux scientifiques, la prédisposition accrue à ces types de maladies chez les personnes séropositives serait due à un phénomène constant d’activation et d’inflammation immunitaires. L’inflammation est souvent mentionnée lorsqu’on parle du VIH et de problèmes de santé connexes, mais qu’est-ce que cela signifie, au juste?
Nous avons tous eu une inflammation à un moment ou l’autre au cours de nos vies. Après une blessure, la rougeur, l’enflure et la chaleur que nous observons sont des signes externes d’inflammation. Ces signes sont causés par une augmentation de la circulation sanguine vers la lésion et par l’activité du système immunitaire. Les « premiers répondants » immunitaires fabriquent ce qu’on appelle des facteurs pro-inflammatoires, des molécules sécrétées dans la circulation sanguine qui attirent plus de cellules immunitaires pour accélérer la guérison des tissus lésés et lutter contre les envahisseurs de l’extérieur. Ce type d’inflammation est habituellement de courte durée, soit quelques heures ou quelques jours; et on parle alors d’inflammation aiguë.
De son côté, l’inflammation chronique s’observe lorsque ces facteurs pro-inflammatoires sont fabriqués de façon continue, mais à des taux bien moindres que lors d’une inflammation aiguë. Cette inflammation persistante à bas bruit peut être nuisible pour les zones affectées. L’inflammation chronique fait partie du phénomène de vieillissement naturel et est associée à certaines maladies normalement liées à l’âge, comme la maladie cardiovasculaire, l’ostéoporose et les maladies neurodégénératives. Cette inflammation persistante s’observe aussi chez les personnes VIH-positives, c’est pourquoi on associe parfois le VIH à un vieillissement prématuré.
Chez les personnes VIH-positives, l’inflammation chronique est plus probablement causée par plusieurs facteurs. La stimulation des cellules immunitaires infectées par le VIH (qui échappent au TARa) y contribue sans contredit, mais elle ne peut à elle seule expliquer entièrement l’inflammation chronique que l’on observe souvent chez les personnes VIH-positives. Un autre facteur contributif serait l’impact du VIH sur le tractus digestif, ou l’intestin.
L’événement primordial qui survient lors de l’inoculation du VIH est l’infection et l’épuisement des lymphocytes T CD4+. Ces cellules vivent pour la plupart dans les tissus lymphoïdes qui forment un réseau de vaisseaux dans tout l’organisme et composent une bonne partie du système immunitaire. Les lymphocytes CD4 sont particulièrement nombreux dans les tissus lymphoïdes des muqueuses qui tapissent l’intestin. Aux premiers stades de l’infection au VIH, l’intestin subit rapidement une perte des lymphocytes CD4 et des modifications de la fonction immunitaire et de l’équilibre microbien. Cette atteinte de la fonction intestinale et la lésion directe à la structure de la paroi intestinale peuvent entraîner une fuite des bactéries intestinales vers la circulation sanguine.
La présence de certaines de ces bactéries dans la circulation sanguine peut stimuler l’activation du système immunitaire et contribuer à l’inflammation chronique. Les chercheurs appellent cette fuite la « translocation microbienne » et cherchent des façons de limiter l’impact du VIH sur la paroi intestinale et de prévenir les fuites. Au Réseau, l’étude CTNPT 022b analyse l’effet d’un supplément probiotique administré quotidiennement sur l’amélioration de la santé intestinale et l’immunité afin de réduire l’inflammation chez les personnes qui prennent un TARa depuis plusieurs années sans obtenir de remontée complète de leur numération sanguine de CD4. Atténuer l’inflammation pourrait réduire le nombre de cellules immunitaires ciblées et infectées par le VIH et redonner à l’intestin une relative bonne santé, ce qui permettrait de préserver la fonction immunitaire.
Le Réseau appuie aussi une étude de cohorte qui suit un groupe de participants depuis les premiers stades de l’infection au VIH (CTN 257). Cette étude de cohorte vise à mieux élucider le lien entre la fonction intestinale, la fonction immunitaire, la santé des participants et le TARa.
Comprendre et améliorer la fonction intestinale n’est que l’une des avenues potentielles à explorer pour réduire l’inflammation chronique chez les personnes VIH-positives. Même avec l’amélioration du TARa, il faudra poursuivre la recherche afin de s’attaquer à l’inflammation persistante à bas bruit et aux problèmes de santé qui lui sont associés.